Une maison sur la tombe du père…
Je me souviens de l’endroit comme si c’était hier… Un fabuleux dégagé sur le village de Bayagam s’étirant jusqu’à Baham, à plusieurs kilomètres de là. Nous avions veillé toute la nuit et étions partis au petit matin avec, sur le toit, le cercueil dans lequel reposait mon beau-père. Le destin a voulu qu’il soit emporté par la maladie 3 semaines avant notre arrivée au Cameroun. Je devais officiellement lui demander la main de sa fille et lui présenter Abigaëlle, sa petite fille alors âgée de 11 mois… Ce jour-là, en voyant le champ dans lequel nous allions l’enterrer, je me suis dit que c’était un bien bel endroit pour reposer en paix…
Peu de temps après, lors des funérailles du grand-père, j’apprenais que le terrain en question avait été donné à la famille et que nous devions y construire une petite maison ou – au moins – «mettre le père à l’abri», tradition oblige. A chaque retour dans la concession familiale, je me prenais à rêver de siroter une bonne Kadji* sur la terrasse au côté de lui…
C'est l'emplacement de la tombe du père qui a déterminé l'implantation de la maison
Il aura fallu près de 10 ans pour que le projet se concrétise. En choisissant de prendre une année pour vivre notre African Tour avec plus de 5 mois au Cameroun, l’occasion était trop belle. Dès notre arrivée, nous nous sommes mis au travail: plans de la maison, réunion familiale, casting pour trouver le bon maître de chantier, demandes d’offres et âpres négociations pour acquérir les différents matériaux et recherche de tous les corps de métiers nécessaire à la réalisation de l’ouvrage.
Si le lieu de construction offre un emplacement de rêve pour la vue, il en est tout autre pour la construction… Pas d’eau courante ni d’électricité et un accès quasi impossible durant la saison des pluies à cause du dénivelé et de la piste défoncée pour mener à la concession. De plus, en zone rurale, les prix grimpent vite et la main d’œuvre difficile à trouver. Heureusement, la maison du grand-père permet d’accueillir Luck et son technicien ainsi que la mère qui supervisera les travaux depuis le village tout du long.
Fin février 2019, les travaux commencent!
Le 20 février, je réalise l’implantation sur place avec Luke et nous passons en revue les plans qui en sont déjà à la 7e version! Puis le terrassement est réalisé en même temps que les premières fondations. Le 10 mars, la tombe du père est recouverte de la fameuse terre rouge du village. Quelques jours plus tard, les fondations sont terminées et les murs commencent être montés grâces aux quelques 2’700 parpaings réalisés à la main chez Tayou, au village de Bayangam. Au même moment, 4 Eucalyptus sont abattus non loin de là chez la grand-mère pour préparer la charpente. La semaine suivante, c’est les portes et fenêtres dessinées sur mesure qui sont commandées à Douala.
Le chantier avance vite et bien. Les conditions météo n’ont pas eu d’impact à ce stade et nous sommes même en avance sur le planning. Nous passons une semaine sur place et travaillons au terrassement ainsi qu’au différents ajustements nécessaires. Pour un tel ouvrage. L’idée de la cheminée a germé à ce moment-là et je finaliserai les plans avant de quitter la concession. Pour conclure ce séjour en beauté, une belle veillée autour du feu à refaire le monde avec tonton Germain, Jean et la mère… Que demander de plus?
La première phase a été bouclée en un peu plus de 2 mois...
On sent que la fin arrive. Il reste moins de 2 semaines et plusieurs points restent ouverts. Mais surtout, le budget commence à montrer ses limites. Nous devons faire des compromis pour terminer le chantier dans les temps et surtout ne pas trop exploser nos finances qui sont en roue libre depuis une année… Nous planifions une nouvelle expédition au village pour suivre les derniers points et commander les tôles de la toiture, dernière pièce maîtresse de la maison. Après 3 allers-retours à Bafoussam et quelques haussements de voix – pour parler poliment – le dernier arrivage arrive non sans peine en haut de Kagain. C’est une véritable course contre la montre qui est engagée. Il faut terminer vite, la saison des pluies menace et Luck et son équipe sont attendus sur un autre projet à Yaoundé au début mai. Nous ne lâchons pas la pression pour que le travail soit bien terminé mais devons céder quelques peu sur certains détails et repousser certains travaux à la 2e phase prévue après la fête des Vignerons.
7 mai 2019: nous arrosons la charpente en compagnie de la mère et des travailleurs
Nous profitons de notre séjour à la Fondation Gacha non loin de là pour superviser la fin du chantier et savourer également la fin de la charpente en l'arrosant de vin, comme le veut la coutume. Après un peu plus de 2 mois, l'objectif est atteint et même au-delà. Le père est «sauvé». La maison est bien là, et vu sa solidité, elle va tous nous enterrer. Le décor est splendide. Le 11 mai 2019, la mère ferme la porte à double tour. Objectif atteint, même au-delà!
Du coup, les possibles commencent déjà à émerger: Lieu de villégiature? Maison d'hôte? Espace dédié à la création? Réponse d'ici quelques mois...
Quelques chiffres:
- 7,5 tonnes de ciment manipulé à dos d'homme
- 14'000 litres d'eau amenés sur le chantier avec 500m de dénivellé
- 180 lattes d'Eucalyptus de 30 kg portées sur la tête sur un demi-kilomètre
- 100 mètres cubes de terre creusés à la main et évacués par brouette pour le terrassement
- 1 moellon d'un mètre cube d'envergure cassé à la main pour finir la fosse
- 180 nuitées dans la maison du grand-père pour Eto'o, Luke et la mère
Vue aérienne du chantier | Voir la video