MALI: L'AFRIQUE EN PLEIN CŒUR
Après le Kenya, changement de décor pour cette troisième étape de notre African Tour: nous atterrissons au Mali, en Afrique de l’Ouest. Ce qui nous frappe d’entrée – à part la chaleur bien sûr – c’est l’aéroport quasi neuf et le sentiment très serein qui s’y dégage. Sécurité présente, mais cool et discrète, bien loin de l’image d’un pays à feu et à sang qu’on nous décrit en Europe et dans lequel il ne faut surtout pas aller se promener...
L'indépendance des femmes de Bamako fait plaisir à voir
Bamako
L’impression est confirmée sur Bamako: ambiance très décontractée même si les gens subissent de plein fouet “la crise” depuis les événements au Nord en 2012 et qui ont stoppé l’élan économique qui s'était installé dans le seul pays de notre périple sans accès à l’océan, mais traversé par un Niger gonflé à bloc.
Ces quelques jours auront été très riches, même si les 4x4 des nations unies ont remplacés les city tours de la ville (nous n’avons croisé aucun touriste “toubab” durant notre séjour, les seuls occidentaux ici sont «en mission»... Grâce à notre guide Amadou la visite a été très agréable et les gens super accueillants!
En témoigne la visite de l’incroyable marché des artisans dans le centre avec ses différentes corporations réalisant les éléments sur place (forgerons, tisserands, tanneurs, ...), le baptême du petit Emmaüs dans la famille de notre amie Mireille, le concert d’une des voix montantes au Mali Cheik Siridian Sissoko sans oublier ce moment surréaliste chez la baronne, au Lac Lass’ (la classe en effet) sur les hauteurs de la ville (voir l’article à ce sujet) ou se mêle une communauté artistique de tout poil, du musicien Tricowboy au plasticien Badian en passant par Touré le maître d’œuvre, sans oublier Sidiki, son “artiste de mari” un forgeron d’art qui lui a réalisé un véritable “trône de fer” pour la demander en mariage...
Nous allons y passer un peu plus de temps à notre retour sur la capitale, tant l’esprit dada nous a séduit, mais aussi le projet de récupération de déchets plastiques pour en faire des objets d’arts ou du quotidien... affaire à suivre!
Siby offre un panorama à couper le souffle
Siby
Nous décidons d’aller voir le village de Siby, non loin de la capitale. En partant nous avons l’occasion de découvrir une fresque monumentale à la gloire du Mali dans un style constructiviste à l’africaine.
La frénésie de la capitale laisse peu à peu place à la nature. Annoncée comme un lieu touristique important, la première impression sera plutôt celle d’une ville fantôme dans un western spaghetti... Les rares hôtels ou auberges sont à l’abandon et l’on nous prend plutôt pour des extra-terrestres. On sent bien que 6 ans de crise ici ont ravagé toute une économie qui vivait du tourisme.
Pourtant, en cherchant un peu, on découvre la vie d’un village accueillant et même quelques perles comme cette association de femmes créant un beurre de karité exceptionnel, cette coopérative qui crée des séchoirs astucieux autonome en énergie ou la ferme du chanteur Tiken Dja Fakoly que nous aurons manqué de peu...
Nous avons également la chance de rencontrer l’un des maîtres du Bogolan, cette technique fascinante de dessin sur des tissus teintés naturellement en ocre et décorés avec de la terre d’argile. Senou Fofana nous donnera même une initiation privée. Que du bonheur!
Mais Siby, c’est aussi son décor somptueux, fait de blocs de roche qui n’ont rien à envier à Monument Valley! Des millers de manguiers et autres arbres de Karité sont également concentré dans cette région. Une petite randonnée jusqu’à l’arche de Kamandjan sous un soleil de plomb sera l’un des moments forts de notre visite ici. La vue est à couper le souffle et Amadou nous raconte les exploits de Soundiata Keïta, empereur du Mali et de Kamandjan Camara, le roi de Siby, dont la flèche tirée à bout portant aurait créé ce trou béant dans la falaise...
Photo de famille au Lac Lassa
Lassa
Lieu atypique tant par son architecture tout en niveau et composé de matériaux locaux que par la joyeuse tribu d’artistes en tout genre qui s’y côtoie, nous y avons établi notre quartier général pour la 2e partie de notre séjour ici. L’occasion de palabrer dans l’une des nombreuses petites terrasses en aracades, de déguster la cuisine inspirée de Jean-Louis, notre burkinabé préféré ou de faire une incursion inspirante dans le domaine de l’art, de la musique et de l’architecture (voir l’article sur Le Lac Lassa).
La maison Ndomo, haut lieu du Bogolan à Ségou
Ségou
Les lieux mythiques du Mali comme Tombouctou, le pays Dogon ou Gao étant hélas inaccessibles, notre visite restera circonscrite à Bamako et aux villes alentours. Ségou est la limite jusqu’à laquelle nous pouvons nous déplacer. À une demi-journée de route, la grande mosquée de Djenné restera donc un rêve hors de portée.
Quoiqu’il en soit, c’est avec enthousiasme que nous prenons la route pour la ville se Ségou, située à 250 km de Bamako. Nous profitons du Wasso Magni, un bus de ligne de première génération plutôt exotique... Quelques heures plus tard nous atteignons la ville et profitons d’un petit repas au bord du Niger, à l’hôtel Hambe, construit selon la méthode Marroco-soudanaise. Ibrahim nous raconte les coutumes locales et nous interpelle avec les djinns et autres esprits de La région.
1500 employés transforment le coton brut en tissu imprimé, ici, à la Comatex
Le lendemain est une journée marathon: visite de la Comatex aux premières heures, après avoir traversé la ville en Tuk-Tuk, nous rappelant les débuts de notre périple à Sainte-Marie. L’usine et ses 2000 employés répartis sur plusieurs hectares est impressionnante à plusieurs point de vue. Fleuron de l’industrie malienne par le passé, elle reste comme figée dans le temps. Des machines datant de 1930 transforment le coton en fil sur plusieurs immenses halles pour ensuite être tissés, brûlés(!) et lavés. On se croirait à Shanghaï par moment et l’on apprend que l’entreprise est désormais détenue à 80% par les Chinois. En fin de chaîne, l’impression peut se faire avec des motifs originaux ou repris et transformés. La grande spécialité de l’entreprise est de personnaliser les tissus avec des inscriptions, emblèmes ou portraits créés spécialement pour un événement ou un établissement... De la personnalisation avant l’heure!
Puis, changement de décor avec la maison Ndomo à la sortie de la ville, superbe construction en banco rouge surplombant un étang aux multiples nénuphars. Nous sommes accueillis par Doumbia, ancien professeur émérite de Bogolan et considéré comme l’un des maîtres du genre. Tout en humilité, il nous explique les techniques et les symboles utilisés dans cet art ancestral, consistant à dessiner avec de la terre sur un tissu préalablement imprégné grâce à une concoction de feuilles de N’galama. Une fois lavés, les dessins en terre sont imprégnés durablement dans le tissu et ressortent dans un noir profond. Bluffant! Différentes teintes naturelles viennent compléter la palette de l’artiste.
La visite des lieux est très inspirante et le modèle économique du lieu est des plus intéressant: Ecole de formation pour les jeunes artistes qui travaillent jusqu’à 14 heures à des créations communes dont le produit de la vente est réparti entre tour et ensuite, il bénéficient de la structure pour réaliser leurs propres créations. L’écologie n’est pas en reste et tout est récupéré des écorces pour la teinture aux cendres pour les parties blanches. Même ressenti qu’en entrant dans le magasin de sacs Bagamoyo au Kenya, une vraie caverne d’Alibaba!
Coucher de soleil sur le fleuve Niger
Pour finir, la visite des femmes de Nieleni fabriquant leurs tapis artisanalement et un coucher de soleil à couper le souffle sur le fleuve Niger. Quelle journée!
Le retour sur Bamako en bus typique nous aura permis de goûter au joies de l’air conditionné «maison»... À partir de 50 km/h une petite brise fraîche vient atténuer l’effet sauna qui se voit aux vitres tout en buée.
Les derniers jours sur Bamako seront surtout l’occasion de finaliser quelques commandes passées, comme ces chaussures sur mesure en wax et peau de serpent ou les créations de notre couturier de choc Adama, de profiter d’un petit concert live avec les artistes de Lassa, de partager un dernier riz au gras avec la famille d'Amadou et de dire au revoir à toute la clique croisée durant ces quelques jours inoubliables!