Madagascar - les hautes terres
Il aura bien fallu faire un choix. L’île étant immense (2x la France tout de même!), il n’était pas envisageable d’espérer pouvoir en avoir un aperçu global, qui plus est en une quinzaine de jour après avoir profité de la douceur de vivre sur l’île de Sainte-Marie.
Après avoir rencontré plusieurs personnes, épluché les guides et s’être renseigné sur l’aspect sécuritaire, nous avons opté pour le centre, avec la traversée des Hautes-Terres pour finalement rejoindre la côte est, à Mananjary. Au programme, la découverte des artisans (fondeurs d’aluminium, crocheteuses de rafia, sculpteurs de bois, ...) ainsi que les producteurs d’épices, d’huiles essentielles et autres spécialités que cette île fascinante propose.
Des rencontres improbables
Mais avant tout cela, nous faisons la connaissance de Philippe grâce à Francis, notre chauffeur de Tuk-Tuk, un Français du Sud qui vient d’épouser sa sœur Elodie, une Sainte-Marienne adorable. Nous sympathisons tout de suite avec cet amoureux de Madagascar, ancien entraîneur de L’équipe nationale de rugby et informaticien reconverti dans la sécurité à l’aéroport de Tana. L’homme a un sacré bagou et nous en apprenant un peu plus sur la culture malgache, la beauté et les richesses de Mada mais aussi son inertie, son impasse politique et la pauvreté extrême qui touche bientôt 9 malgaches sur 10... Les rhums arrangés, le pastis et les plats délicieux d’Elodie s’enchaînent dans un joyeux brouhaha en refaisant le monde et en ouvrant les possibles sur de nouveaux produits et services pour Gakomo. Affaire à suivre!
Le road-trip vers le Sud-Est est organisé sur place grâce à Marie-France, une malgache rencontrée sur l’île Sainte-Marie. Michel nous met à disposition son plus beau 4x4 ainsi que son neveu Diabany qui va nous accompagner durant 10 jours. Notre budget est serré. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure et bien que les prix d’ici soient intéressants en regard de ceux pratiqués en Europe, les ariarys (la monnaie locale) partent à une vitesse phénoménale! Bon il faut dire qu’on est vite millionaire (1 franc suisse valant environ 3’300 Ariarys) et qu’on retire au mieux l’équivalent de 150.- suisses à la fois dans un bancomat, ce qui représente tout de même m 3 fois un bon salaire malgache...
Après la traversée de Tana (2 heures en roulant bien) nous voyons le paysage défiler sous nos yeux avec ses rizières, ses scènes de vie et ses petits villages tapis entre 2 collines. La route, sinueuse, est en bon état pour le pays et nous frôlons même les 60 km à l’heure par endroit...
Nous faisons halte à Ambatolampy, la première bourgade d’importance au Sud de la capitale, sur la mythique RN7 qui traverse le pays et que tout bon routard connaît. Là, au milieu des pins se tient une auberge centenaire, tenu par Jo, un ami de Neyruz qui habitait à quelque centaines de mètres de ma maison familiale! Nous en profitons pour déguster sa spécialité, la fondue moitié-moitié - dont le fromage vient de Marsens! - et fêtons dignement les 7 ans de notre petite Iris. L’émotion est là et Jo nous fait voyager avec son parcours de vie improbable et son énergie communicative. Ici, tout le monde le connaît et, en quelques mois, il a replacé cet établissement sur la carte des étapes incontournables de la RN7. Bien qu’affichant complet, il nous offre sa chambre et le gîte et nous passons la nuit bien au chaud (ça caille la nuit par ici) après avoir mangé une bonne soupe aux légumes, descendu quelques bières et bu un café digne de ce nom grâce à l’un de ses joujoux, une machine à café professionnelle ramené en container depuis la Suisse.
Le lendemain, nous en profitons pour passer commande de quelques pièces en aluminium estampillées Gakomo, Ambatolampy étant la capitale de ces objets se trouvant dans tous les marchés de Madagascar. La technique de conception est incroyable. La forme à reproduire est tassée à la main dans de la terre prise à même le sol et remplie d’aluminium liquide chauffé à 400C. La pièce apparaît comme par magie, encore brûlante et sera ensuite polie à la main pour lui conférer cet aspect chromé. Quel savoir-faire! Je me prend à rêver de produire toute sorte de pièces et objet avec cette technique, bien loin des logiciels et imprimantes 3D...
Nous reprenons la route et arrivons à Antsirabe, capitale de l’artisanat. Une «vitrine» locale s’y tient ce week-end et nous faisons le tour des échoppes à la recherche de produits intéressants. Nous y croisons Julie, la directrice d’Ivahona, une marque de mode malgache exportée à l’international dont Fifou rencontré au Princess Bora est partie prenante. Nous avons eu la chance de la croiser sur Tana il y a quelques jours et de visiter les locaux de production de la marque. Rendez-vous est pris pour le lendemain non loin de la ville, pour visiter quelques-uns de leurs fournisseurs en rafia avec lequel sont produits plusieurs sacs et que s’arrachent aujourd’hui les européennes en quête d’exotisme et de produits équitables.
La visite du lendemain est très instructive. Nous pénétrons dans des maisons familiales où sont regroupée quelques crocheteuse qui finalisent le travail effectué à domicile par des dizaines de femmes malgaches dans les environs. Il est incroyable de se dire que des articles vendus à prix d’or par de grandes marques sont produits ici, de manière très artisanale et quasiment sans infrastructure. Mais le résultat est là. Teinture maison, formes de toute sorte, points simples ou floraux, le savoir-faire de ces femmes est des plus impressionnant. Une petite fille de 10 ans marche dans les pas de sa mère en se créant son propre chapeau. l’exécution est parfaite.
Le soir nous décidons de manger ensemble et, sur les conseils de son acheteuse malgache et avec sa petite famille qui l’a rejoint pour le week-end, nous entrons dans un petit établissement aux allures de gargote, un drapeau japonais orne l’entrée. Aux commandes, un seul cuisinier, Chef Marius. Personnage haut en couleurs, ex-chef cuisinier pour un ancien Président, il exécute la dizaine de plats commandés (dont 3 surprises du chef, toutes différentes!) en un temps record. Les goûts sont sublimes. Le plat est offert s’il n’est pas terminé mais autant dire qu’il ne reste rien dans l’assiette! Une sacrée découverte!
Le 3ème jour dans cette ville d’Antsirabe, - étonnante - nous permet de découvrir d’autres personnages atypiques dont Didier, le gérant du Vatolahy qui a longtemps traîné sa bosse en photographiant l’Afrique et qui n’hésite pas à prêter main-forte en cuisine. Nous faisons également connaissance de son épouse malgache et de leur petit garçon de 13 mois. Le feeling passe tout de suite et Josi et les filles en profitent pour tester le coiffeur de madame et s’offrent ainsi de nouvelles coupes “made in Mada”. Le soir, nous dînons avec Norbert (encore un compatriote de Neyruz!) et sa compagne rencontrés par l’entremise de Jo. L’occasion de refaire le monde et de vanter tant les richesses et potentialités de Mada que ses freins et l’immense gâchis dans lequel le pays s’enfonce chaque année un peu plus...
Le lendemain nous prenons la route pour Ambositra à quelques 3 heures de routes sinueuses. Les paysages se déroulent inlassablement et, entre 2 leçons données aux filles (c’est aussi la rentrée pour nous), je fais stopper Diabany pour prendre l’un ou l’autre cliché. Cette étape est plutôt un relais et, s’étant quelque peu attardé à Antsirabe, nos jours sont comptés... L’hôtel artisan affiche complet mais ils ont une petite maison d’hôtes à l’écart de la ville. Décorée avec goût, plein de boiserie et autres marqueteries qui ornent le tout, nous passons un moment agréable mais aussi notre nuit la plus froide de notre séjour ici à Madagascar.
Mananjary
Après quelques emplettes au marché et la découverte du génie et savoir-faire des artisans spécialisés dans le bois, nous filons vers Mananjary, l’étape finale de notre roadtrip. Ça tourne tellement que nos estomacs sont à la peine, mais petit-a-petit un air de déjà-vu se fait sentir. Cocotiers, arbres du voyageurs et maisons en paille ne sont pas sans rappeler notre séjour sur l’île Sainte-Marie. En effet, nous nous approchons de plus en plus de la côte Est, mais sur la grande île cette fois. En fin de journée nous atteignons la ville après avoir traversé un magnifique pont suspendu rappelant tant le Golden Gate de San Francisco que celui de notre Pont de la Poya fribourgeois... Nous parcourons les rues animées à la recherche d’un toit pour la nuit. Les adresses repérées dans notre guide sont soit abandonnées soient dans un état de délabrement avancé et complètement vides... Nous prenons une fois de plus conscience que les temps sont durs ici.
Nous nous rabattons sur notre dernier espoir, le Vanihy Lodge, a l’écart de la ville. Quand nous arrivons, nous sommes subjugués par la beauté du lieu, son architecture moderne et son entretien impeccable. Certes la nuit vaut son pesant d’or ici mais les 50m2 de la chambre, son magnifique mobilier en palissandre et, last but not least, sa piscine d’eau douce au centre des bungalows ne nous laissent pas indifférents. Nous mangeons le soir sur place et faisons connaissance avec la famille qui tient l’établissement. Virginie est aux commande de l’hôtel et Ali, son mari a revendu son commerce florissant pour s’établir dans la région et se rapprocher de sa famille (le couple a 3 enfants, dont une petite malgache adoptée de 8 ans). Il cultive, pêche et apprête toute sorte de choses dont un poisson fumé à se relever la nuit... Nous avons l’occasion de faire un peu plus connaissance le lendemain, avant de découvrir la région.
Deux raisons nous ont poussés à venir sur Mananjary. Les épices et le canal des Pangalanes. Si la deuxième nous a offert une belle balade au soleil couchant, avec ses petits villages de pêcheurs bordant le cours d’eau, la premières (les épices) nous laissent un peu sur notre fin. Beaucoup d’exploitations sont fermées et certains commerces, comme celui de la vanille révèle une lutte sans merci - les vols sont réguliers pour cette épice qui avoisine les 400.- le kilo - pour une qualité pas toujours top.
Heureusement, d’autres belles surprises comme le poivre sauvage, impossible à cultiver, ou les baies roses redonnent un peu de couleur à notre quête de nouvelles saveurs...
Il est déjà temps pour nous de refaire le chemin à l’envers pour rejoindre Tana avant notre prochain départ pour le Kenya... L’occasion de revoir certaines personnes rencontrées en chemin, d’admirer une nouvelle fois ces paysages magnifiques et de récupérer quelques éléments commandés aux artisans de la région.
Si j’avais déjà expérimenté en parcourant le chemin de Compostelle il y a 20 ans que «l’important n’est pas la destination, mais le chemin qui y conduit», la formule a pris ici tout son sens. La richesse des rencontres et la découverte de ce pays passionnant (nous y reviendrons, c’est sûr) nous fait prendre conscience de l’immense chance que nous avons de pouvoir vivre cela, qui plus est en famille.
Toute bonne chose a une fin... ou pas!
C’est avec une émotion certaine que nous allons devoir prendre congé de cette endroit magique et déroutant à la fois. Mais avant cela lors de notre retour dans la capitale, nous avons la chance de rencontrer la Cameroun Connexion de Madagascar grâce à Eric et Paul Roger installés dans le pays depuis belle lurette. En discutant avec ce dernier, Josi se rend compte qu'ils viennent du même village! Quand on vous disait que le monde était petit... C'est l'occasion pour elle de participer à la «réunion» et pour nous de déguster un dernier tournedos de Zébu et ses 3 sauces au Savanna avec une vue magnifique sur l'arrière pays...
Difficile de ne retenir que l'un ou l'autre souvenir tant le voyage a été riche. En tous les cas, il nous aura appris à prendre les choses avec calme, lenteur et une certaine dose de fatalité toute malgache. Mora Mora et ce n'est probablement qu'un au revoir ; )